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En Ile-de-France, la Bièvre renaît (article JDD)

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En Île-de-France, la Bièvre, malmenée et enterrée, refait surface.

 

de Hervé Guénot - Le Journal du Dimanche

 01 novembre 2015

Bièvre

 

 

Ci-dessus, travaux d'aménagement des rives en avril. Ci-contre, la rivière à ciel ouvert à Buc (Yvelines). (SIAVB)

À L'Haÿ-les-Roses, la Bièvre renaît à la lumière. Elle coulait jusqu'à maintenant dans l'obscurité, à l'intérieur d'un tube trapézoïdal en béton. Lorsque les travaux de "renaturation" seront terminés à Noël (coût : 9,8 millions d'euros), ce sera une renaissance. "Sur 600 m, nous reconstituons un lit argileux, avec galets et cailloux, pour refaire les habitats naturels. On disposera 12.000 plantes aquatiques, les rives seront aménagées en promenade et végétalisées, une passerelle en bois traversera la rivière", décrit Alain Ducros, de la direction des services de l'environnement et de l'assainissement du Val-de-Marne. Un autre tronçon entre Arcueil et Gentilly est à l'étude pour, là encore, une renaturation (11,5 millions d'euros). En 2003, la rivière avait été rouverte à Fresnes, au parc des Prés, et réinstallée dans l'un de ses anciens méandres.

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On prend donc enfin soin de la Bièvre. Longue de 33 km, elle prend sa source à Guyancourt (Yvelines) et traverse 15 communes*. Elle a subi bien des indignités au cours de son histoire. Dès 1760, Christophe-Philippe Oberkampf installe sa manufacture de toiles à Jouy-en-Josas (900 ouvriers en 1774). La rivière offre une pureté d'eau nécessaire au lavage des fibres textiles : ainsi va-t-elle être polluée. Plus tard sévirent les blanchisseuses, les teintureries, les tanneries et les bouchers (qui y déversaient "panses et tripes").

216 millions d'euros sur la période 2010-2015

En 1831, la Bièvre séduit encore. "Ici durent longtemps les fleurs qui durent peu", écrit Victor Hugo dans son poème Bièvre (Les Feuilles d'automne). Mais, vers 1900, la rivière est défigurée. "La Bièvre est, dès son arrivée à Paris, tombée dans l'affût industriel des racoleurs. Elle lave l'ordure des peaux écorchées, macère les toisons épargnées et les cuirs bruts, subit les pinces de l'alun, les morsures de la chaux et des caustiques", raconte l'écrivain Joris-Karl Huysmans dans un court texte, La Bièvre (1914). On commence à recouvrir ses puanteurs dès 1844 et elle est tubée dans la capitale (5e et 13e arrondissements) en 1912, et entièrement recouverte en 1956. Le purgatoire de la Bièvre dura quarante ans. Égout, elle ne pouvait plus se déverser dans la Seine. Ses eaux furent et sont encore dirigées vers les usines de traitement d'Achères et de Valenton.

 

La rivière à ciel ouvert à Buc (Yvelines). (SIAVB)

Il a fallu bien des efforts, d'ingéniosité et beaucoup d'argent pour que la Bièvre se débarrasse de ses eaux troubles. Deux organismes furent et sont encore à la manœuvre : le Syndicat mixte du bassin versant de la Bièvre (SMBVB) s'occupe du cours aval de la rivière (de Paris à Antony) ; le Syndicat intercommunal pour l'assainissement de la vallée de la Bièvre (SIAVB) se concentre sur son cours moyen et supérieur (de Massy à Guyancourt). Deux territoires ont donc été définis : les problèmes ont pu être traités.

Supprimer les rejets d'eaux usées dans la rivière

Sur le segment Paris-Antony, un "contrat pour la réouverture de la Bièvre aval" de 216 millions d'euros a été signé pour la période 2010-2015 par les départements, les communautés d'agglomération et financé par le conseil régional et l'Agence de l'eau Seine Normandie. "Sept maîtres d'ouvrage se sont engagés pour reconquérir la qualité des eaux de la Bièvre, lutter contre le ruissellement urbain et agir pour la renaturation du cours et des berges quand c'est possible", souligne Laurent Lidouren, directeur du SMBVB, qui précise que, sur quatre ans, le taux de réalisation du contrat (chantiers finis) est de 80%. Il fallait notamment supprimer les rejets d'eaux usées dans la rivière (80 rejets identifiés). Et éviter l'engorgement des réseaux d'eaux usées par les eaux de pluies.

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Le deuxième volet, "rouvrir la Bièvre et permettre à la nature de reprendre ses droits", entraîne les travaux actuels à L'Haÿ-les-Roses et ceux prévus à Arcueil-Gentilly. Deux autres chantiers sont à l'étude à Cachan (400 m) et à Gentilly (140 m). À Paris, les travaux doivent permettre à la Bièvre de se jeter à nouveau dans la Seine. "Nous avons travaillé pendant cinq ans avec le Siaap sur des études. Par temps sec, il est possible de rejoindre la Bièvre à la Seine au niveau du quai d'Ivry. Par temps de pluie, en revanche, nos études ont montré qu'il était préférable de dévier la rivière en amont, au niveau de Cachan, pour la faire rejoindre la Seine. Cet aménagement devra être mis en œuvre d'ici à 2021", remarque Célia Blauel, maire adjointe (EELV) de Paris, chargée de l'environnement et de l'eau. Troisième volet, la "lutte contre les inondations" : le bassin de stockage de Sceaux est déjà réalisé (capacité : 4.000 m³) mais le bassin du parc du Moulin de Berny à Fresnes est à l'étude.

Une méthode de dépollution par les plantes 

En amont, le SIAVB est au travail depuis 1945, notamment sur l'assainissement de l'eau. "Cela a permis de garder une Bièvre ouverte sur son cours supérieur avec une qualité de l'eau convenable", constate Hervé Cardinal. Le directeur technique du SIAVB estime que les "mauvais raccordements" – des eaux usées de particuliers déversées en Bièvre – sont de l'ordre de 1%. "Mais cela suffit à compromettre notre travail. Nous menons donc une guerre contre ces mauvais raccordements, travail compliqué par le fait que sur certaines communes notre syndicat n'a pas la responsabilité de l'assainissement."

Ainsi, globalement, de l'eau propre est envoyée vers l'aval. L'action de renaturation des berges a été entreprise dès 2000 sur Massy-Verrières (1,2 km) – la Bièvre était emprisonnée sous une dalle de béton qui servait de base à la RD 60. Ce travail sera terminé au second semestre 2016 sur les 160 m restants. Pour 2017-2018, une renaturation est prévue à Jouy-en-Josas sur le territoire de l'Inra (on va "reméandriser" son cours) et sur la commune (créer une Bièvre naturelle en sortant de la gare). Un autre chantier de renaturation est prévu à Igny (500 m) pour 2017. Pour le SIAVB, la lutte contre la pollution des eaux se mène sous une forte pression urbaine. Au passage de la RN 118 (98.000 véhicules/jour), la pollution par ruissellement est maîtrisée grâce à des "séparateurs d'hydrocarbures" (10 sur toute la vallée). Le syndicat étudie une méthode de dépollution par les plantes (roseaux) complémentaire à cette dépollution mécanique.

Des poissons de rivière, ainsi que des batraciens et des libellules

Ces efforts et ces investissements portent leurs fruits : la qualité des eaux de la Bièvre est "satisfaisante". "A L'Haÿ-les-Roses, sur une partie de notre chantier en eaux depuis avril, la végétation s'est bien développée. Un couple de canards s'est même installé, et on a noté la présence d'alevins", fait valoir Alain Ducros. En amont, sur la partie Essonne et Yvelines de son cours, la Bièvre accueille des poissons de rivière, ainsi que des batraciens et des libellules. Tout baigne, mais est-ce pérenne? Outre d'éventuelles restrictions budgétaires, les responsables de terrain s'inquiètent : la gestion des milieux aquatiques, après 2018, ne sera plus confiée aux départements mais aux communes et aux communautés d'agglomération, qui ne sont pas forcément outillées pour cela.

En attendant, la Bièvre poursuit son cours. "Elle va être pourvue, après 2016, d'un schéma d'aménagement de gestion de l'eau (Sage), document de planification sur tout son bassin. Ce Sage définit des principes. Par exemple, lutter contre les ruissellements urbains (pollutions) par la rétention à la parcelle (capter la goutte le plus près possible de sa chute)", explique Laurent Lidouren. A partir de ces principes, un deuxième contrat pour la réouverture de la Bièvre pourrait être signé décrivant les futurs chantiers. La Bièvre pourrait alors connaître une seconde renaissance. 

* En aval, elle est recouverte, sauf certains tronçons rouverts, de Paris à Antony. En amont, elle est à l'air libre de Massy à Guyancourt.

 



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Article original rédigé par Isabelle Dorison et publié sur chaville en transition
Reproduction interdite sans autorisation

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